Portraits

Dans les coulisses de Mademoiselle Coud

7 septembre 2021
Mademoiselle Coud - créateur Un Grand Marché

Touchés par l’histoire de Margaux et Isabelle, nous avions à cœur de partager avec vous un petit bout de leur aventure. Parce que derrière Mademoiselle Coud se cache le combat d’une maman, Isabelle, et de sa fille de 22 ans, Margaux, en situation de handicap. En quête d’un projet professionnel, c’est dans la couture que Margaux a trouvé une vocation. De fil en aiguille, avec patience et détermination, ce duo a fait naître cette jolie marque d’accessoires pour les petits.

Qui se cache derrière Mademoiselle Coud ? Qui êtes-vous ? Quel est votre parcours ?


Mademoiselle, c’est Margaux, 26 ans et en situation de handicap : retard intellectuel avec tout l’impact que cela peut avoir dans le quotidien. Elle est très souriante, agréable, sociable. Suite à l’école primaire, Margaux est orientée en Institut Médico-Éducatif. À 22 ans, Margaux y est encore… On attend une orientation en ESAT qui n’arrive pas… Puis les choses s’enveniment avec des soucis de santé… Moi, je suis Isabelle, maman de Margaux, préparatrice en pharmacie à temps plein. J’aime la couture mais je n’ai pas souvent le temps de la pratiquer.

Comment la couture est-elle entrée dans vos vies ?


Je choisis d’offrir à Margaux, pour ses 20 ans, une machine à coudre (la Brother FS40 simple avec variateur de vitesse : important !) en me disant que cela peut toujours servir… Pendant 1 an, elle est allée une fois de temps en temps chez une dame retraitée près de chez nous pour s’initier à la couture. Puis, j’ai pris le relais…

Pour initier Margaux, il fallait que je trouve une idée jolie, simple, pas trop longue à réaliser, qui la touche. Il se trouve que j’avais un patron de bavoir pour bébé, des chutes de tissu et voilà l’idée… Je cherche des trucs et astuces pour adapter le travail et on se lance… Je me revois encore poser mon index à 2 cm du pied-de-biche en lui demandant d’appuyer sur la pédale pour aller jusqu’à mon doigt en suivant la ligne dessinée sur le tissu… On a avancé de cette façon pour faire tout le tour du bavoir, de 2 cm en 2 cm…

L’autre anecdote qui fait que l’histoire dure encore est une histoire de crayon. À la tissuterie, alors que je cherchais un crayon pour marquer les tissus et que rien ne me convenait, une dame me souffle d’aller à la papeterie acheter un crayon Frixion de la marque Pilot. C’est un crayon dont l’encre s’efface à la chaleur du fer à repasser qui écrit fin sans appuyer fort à contrario des craies et autres marqueurs à tissu. Cela permet donc la précision.

Le résultat du premier bavoir a tellement plu à Margaux qu’elle a voulu recommencer… Tant qu’elle avait envie, on continuait. Pas question pour moi de dire « stop » ou bien « on fait autre chose ». Je sentais qu’il fallait répéter encore et encore, toujours la même chose… Nous nous sommes donc retrouvés avec une quinzaine de bavoirs. Mais nous n’avions pas de bébé à qui les offrir dans notre entourage. J’ai souhaité les déposer dans une boutique de créateurs dans notre ville mais pas possible nous n’étions pas professionnels…

Comment et quand votre marque a-t-elle vu le jour ? Pourquoi avoir choisi ce nom ?


Petit hasard, il y a un reportage sur A little market à la télévision. La solution : ouvrir une boutique en ligne sur leur plateforme. Et là, je me laisse prendre au jeu. Il faut trouver un nom de marque, un logo, créer des fiches produits, bref, jouer les pros…

Le nom je l’ai choisi parce que j’aime bien le mot « mademoiselle » et « coud » parce que coudre pour Margaux était une chose improbable. Elle venait de prouver le contraire. J’ai lié les 2 mots, c’est tout ! Pour la motivation, je lui crée très tôt un espace atelier à la maison. Pour varier le travail, je lui crée de nouveaux gabarits : bébé grandit, bandana, épaule. Pour valoriser les chutes : j’invente le mini-gant de toilette, je m’inspire d’autres créateurs pour le hochet et le tipi à zizi. Margaux adore les motifs et les couleurs et choisit donc les tissus parmi une sélection que je lui propose.  Elle a l’impression de faire de la nouveauté mais crée toujours du bavoir pour le domaine du bébé : Margaux adore les bébés ! Elle coud, je fais le contrôle qualité. On réalise un marché de Noël chaque année, l’histoire continue en loisir…

Je ne vous raconte pas ma déception quand A little Market a dû cesser et ma joie quand votre équipe (que je salue et remercie pour son dynamisme) a créé Un Grand Marché. C’est une superbe vitrine ! Mais compliqué de reprendre les ventes quand il n’y a plus d’historique de vente pour donner la confiance…

Avez-vous eu des craintes ou des difficultés pour vous lancer ? Quelles ont été vos motivations ?


En 2019, la santé de Margaux étant meilleure, nous reprenons le projet pour l’orientation ESAT. Et là, on nous annonce : « il n’y a pas de projet d’embauche dans son domaine pour 2020 ». Puis la crise sanitaire s’ajoute… Je cogite en me disant qu’il faut développer un projet sur ce que Margaux sait déjà un peu faire : la création en couture ! Créer la micro-entreprise, je trouve que c’est précoce. Je ne sais pas bien si Margaux peut adhérer à un tel projet. Été 2020, Je choisis donc l’option association : pas besoin de rendement, pas de pression, on possède le fameux n° de SIRET pour pouvoir réaliser des ventes et se montrer plus facilement.

Victoire, la soeur cadette de Margaux se charge de lancer Instagram pour communiquer. Je demande à Stéphane, éducateur spécialisé (que nous employons depuis 3 ans maintenant), de modifier son accompagnement en encadrant Margaux lors des ateliers. Il n’y connaît rien en couture donc formation accélérée avec création de fiches « tuto ». Son rôle : cadrer, rappeler les consignes, maintenir la concentration…

Le magasin Biocoop de notre ville offre son espace restaurant pour que Margaux puisse exercer son activité ailleurs qu’à la maison 2 fois par semaine. Puis il faut trouver quelques innovations et en fonction de la demande, la gamme s’étoffe avec : le bavoir « j’me débrouille », le tablier enfant, le bavoir « grand corps gourmand », l’essuie-tout lavable.

Margaux aime créer, mais aussi vendre. Elle aime rencontrer ses clients, mais aussi préparer les paquets des commandes en ligne. Là aussi, c’est tout un travail : lire un bon de commande, préparer la commande, l’emballer, écrire une adresse, démarcher à La Poste…

Avez-vous un conseil à partager aux personnes et familles qui vivent avec un handicap ?


Ma crainte était que Margaux n’ait pas de projet professionnel. Donc j’en ai créé un. Le reste s’est fait tout seul… Les choses se construisent au fil du temps. Il a fallu parfois un mal pour un bien pour orienter les choses et nous conduire jusqu’à maintenant. Il faut oser avancer petit à petit en se moquant de ce que l’on peut penser de tout cela, en persévérant même s’il y a une galère car forcément, il y en a. Il se trouve que la couture ne demande pas un gros investissement de départ et que si cela ne fonctionne pas, au pire, on ne perd pas gros. Donc, mon conseil : lancez-vous, tentez…

J’espère bien sûr que l’histoire va continuer longtemps et qu’un jour nous puissions évoluer vers la micro-entreprise…

Une citation à nous partager ?


J’ai trouvé un jour cette citation que j’ai noté mais jamais encore partagée :

« La perfection, ce n’est pas de faire quelque chose de grand et de beau, mais de faire ce que l’on fait avec grandeur et beauté. » Swami Prajnanpada – phylosophe indien

Quel est votre plat préféré ? (Nous sommes gourmands dans l’équipe)


« Fromage ou dessert ? » Fromage vous répondra Margaux. Pas très glamour vous me direz, mais c’est ce qui la fera craquer, même si Margaux est une gourmande en général.

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Jeanne

Commentaires

  1. Penichon Aurore

    7 septembre 2021 À 14 h 47 min Répondre

    Quelle chouette aventure pour votre fille,elle dois regorger d’énergie !!! Bravo et bonne chance pour l’avenir.

  2. Guillon

    9 septembre 2021 À 11 h 38 min Répondre

    Un grand bravo pour cette aventure extraordinaire.
    Je connais bien Margaux,son sourire et sa joie de vivre nous donne des ailes….
    Encore une fois bravo….

  3. EMMANUELLE LAMBERT

    17 septembre 2021 À 13 h 16 min Répondre

    Oui j’ai pu découvrir Isabelle à la pharmacie et Margaux dont le sourire et la très grande ” humanitude” est exemplaire…d’ailleurs ce qu’elle réalise l’atteste…. j’ai pu voir ses créations dans ma localité et à chaque fois c’est pour moi source de beaucoup d’espoirs pour que tout un chacun puisse trouver sa place. Merci encore et très touchée par cette belle histoire que votre générosité nous fait partager. Merci aussi pour la citation et que l’aventure dure, dure très longtemps.. Emmanuelle.

  4. Blanchin

    28 septembre 2021 À 13 h 45 min Répondre

    Je suis très très fiere de ma grande sœur et de ma nièce. Ma sœur est très courageuse d’assumer son travail à temps plein et l’encadrement de sa fille. Bonne continuation les filles. Tata fa.

  5. Véronique POUCLET

    4 octobre 2021 À 17 h 45 min Répondre

    Quel plaisir de lire ce long et bel article, très “étoffé”…, décrivant le parcours de Margaux et d’Isabelle .
    Il suscite l’admiration ! Tous mes vœux de réussite à Mademoiselle Coud .
    Avec mon amical souvenir .
    Véronique

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